Programme : Création d’un jardin pour un EHPAD

Lieu : Eymet en Dordogne [24]

MOA : EHPAD de Fonfrède

MOE : fleuve

Mission : étude de faisabilité

Budget : 90 k€

fleuve a été appelé pour réfléchir à la transformation des espaces extérieures existants de la maison de retraite. Aujourd’hui, ces espaces sont mal définis et pauvre d’un point de vue végétal. Lorsque les usagers souhaitent sortir prendre l’air, ils ont pour seule promenade la voie pompier goudronnée faisant le tour des bâtiments. Sans ombre ni station, ce cheminement devient une gageur dans les saisons chaudes ou froides. 

Le projet consiste en la création d’un espace aux différentes strates végétales, plus ou moins accessibles, permettant la déambulation des usagers au travers de différentes séquences travaillées au regard de leurs besoins.

UN ATTACHEMENT A LA TEMPORALITÉ 

Quiconque est en lien avec des personnes âgées sait l’attachement qu’elles ont à la temporalité des événements. « Le temps qui passe » est un sujet essentiel, sans doute comme on peut le dire parfois, parce qu’il devient au fil des ans le temps qu’il reste. On sait par exemple que le rythme des saisons, caractérisé par les cycles végétaux par les lumières, la température ou encore par les migrations animales sont de vrais sujets de discussions, voire d’introspection.

UN BESOIN DE CONTEMPLATION

Les personnes âgées, plus fragiles et moins agiles, ont quitté l’âge du faire pour celui du regarder faire, de la contemplation. Nous avons tous en tête l’image de cet ancien assis sur une chaise ou un banc qui contemple l’agitation du monde, ou la végétation qui pousse, selon qu’on le rencontre en milieu urbain ou rural.

UNE HOSPITALITE SPATIALE NECESSAIRE

Par hospitalité spatiale, nous entendons la notion de lieux, intérieurs ou extérieurs, où la personne âgée va se sentir en confiance, accueillie. Bien souvent, l’espace extérieur est peu propice aux personnes âgées. Ces dernières ayant des difficultés de déplacement, cet espace se doit d’être à leur échelle. À ce titre, il est par exemple essentiel de retrouver des éléments pour s’appuyer, pour s’assoir, pour trouver de l’ombre, mais il est aussi essentiel de viser un traitement de sol continu, avec peu de ressauts, tout en favorisant le séquençage du parcours. Le séquençage du parcours permet de redonner au milieu environnant une échelle domestique, en phase avec l’usager. Il se verra avancer.

UNE SOCIABILITE A ENCOURAGER

« Trois vieux papis, tout vermoulous, sur un tres vieux banc tout moussu, parlaient, papotaient pour se faire du vent… »
Richard Gotainer – trois vieux papis

Comme le chante Gotainer, sur le banc de l’ancien cité plus haut, il n’est pas suréaliste d’imaginer deux ou trois acolytes qui l’accompagnent. Contemplant chacun mais échangeant ensemble, l’image est connue.

La sociabilité, si elle peut se compliquer l’âge venant (surdité, malvoyance, fatigue), reste un besoin essentiel. Les occasions d’échange et de partage sont des moments privilégiés pour nos anciens. Ces moments peuvent être le fruit du hasard, au détour du marché, ou de manière plus choisi, autour d’une belotte ou pour un apéritif…

ETAT DES LIEUX : DES ESPACES RESIDUELS, UNE MAILLE VEGETALE LACHE, UN PARCOURS DECOURAGEANT

Les espaces extérieurs de l’Ehpad sont en grande partie des espaces résiduels, fabriqués malgré eux par la création alors prioritaire des structures bâties de la maison de retraite. Les formes et les dimensions de ces espaces extérieurs résultent de la forme et des dimensions des bâtiments, mais aussi de l’infrastructure routière cernant le bâtiment et répondant aux normes d’accessibilité. Il en découle une impression d’espaces extérieurs spatialement peu qualitatifs.

Les espaces extérieurs sont principalement engazonnés. Quelques arbres et arbustes, plantés pour agrémenter les pelouses et pour faire de l’ombre à des bancs en béton blanc, n’agrémentent que difficilement ces larges espaces vides. Les linéaires de clôtures préfabriquées sont très visibles, particulièrement depuis l’entrée.

Aujourd’hui, les usagers se promènent sur la voirie et font le tour du bâtiment lorsqu’ils souhaitent prendre l’air. Ce parcours n’est pas des plus encourageants, surtout quand on peut éprouver des difficultés à se déplacer. Le parcours est sans mystère, tristement longiligne avec de longues perpectives fuyantes décourageantes qui contribuent à fatiguer psychologiquement et à démotiver le marcheur. De plus, il y a très peu d’ombres sur le parcours. Ce chemin devient une gageure lorsque la saison se fait chaude.

Au fil du parcours, le promeneur évolue dans une seule et même séquence ; la route, de part et d’autre une clôture, du gazon, quelques arbustes, et le bâtiment en arrière plan. La palette végétale est pauvre et n’accompagne pas le promeneur dans son cheminement. Il manque à ce dernier des éléments, végétaux ou mobiliers, qui accentueraient l’effet de cinétique du mouvement de la marche et donnerait au promeneur des repères spatiaux qui l’encourageraient. Il n’y a pas d’ »accident » (au sens étymologique d’événement fortuit, imprévu) agrémentant le parcours.

LE PROJET

LA PARCELLE PRESSENTIE

La zone proposée pour le projet est aujourd’hui un espace vide. La végétation se résume à un gazon, il n’y a pas de strate végétale haute ou intermédiaire.
La parcelle possède des qualités évidentes à conserver. Son positionnement est intéressant puisque la parcelle se trouve juste en face de l’entrée, en connexion directe avec le parvis. La vue depuis la parcelle est de qualité, on y perçoit le lointain, avec les collines au Nord-Est et l’allée de platanes en dessous. En pente douce Nord/Sud, elle permet une prise de recul et de hauteur légère sur le niveau courant des bâtiments.

CREATION D’UN CHEMIN COMME OSSATURE AU JARDIN…

La création du cheminement tient compte des points développés dans la partie précédente, à savoir :
– un chemin séquencé, non-linéaire et non-monotone, aux échelles de distances adaptées aux seniors.
– un chemin aux multiples stations permettant les pauses.
– un chemin ombragé permettant de s’approcher, voire de s’immerger ponctuellement dans la structure végétalisée.
– Un chemin continu, plat et sans ressaut, au revêtement de sol adapté.

… QUI IMMERGE DANS DES STRATES VEGETALES VARIEES …

La structure des trois strates végétales est axée de telle sorte à enrichir les ambiances du parcours. Le cheminement recoupe en effet successivement et transversalement dans son parcours ces trois strates. Tantôt le long de la prairie, tantôt immergé dans les arbustes, le chemin donne à voir les richesses du jardin.
Les lisières Nord et Ouest sont constituées d’une strate haute faite d’un mélange d’arbustes et de plans forestiers. Cette strate protège des vents d’Ouest et du soleil intense du soir.
Une deuxième strate de hauteur intermédiaire constituée de massifs arbustifs s’articule sur un axe Nord-Ouest/Sud-Est pour créer des sous-espaces et des perspectives sur le lointain.
Une dernière strate, basse, faite de prairie fleurie couvre le reste de l’espace. Celle-ci accueille des arbres fruitiers dans le vallon, la partie central du jardin. Un chemin de traverse, plus intimiste, permettra aux plus valides d’aller s’y promener et d’y récolter les fruits à la belle saison.

… ENCOURAGEANT LA BIODIVERSITE.

La réflexion a porté sur des degrés d’accessibilités aux espaces du jardin dans l’optique de laisser des zones «enfrichées», propice à la biodiversité. Des éléments de clôture intégrés, tels que des haies mortes, des haies de soles tressées, ou des murets de pierres sèches peuvent être envisagées pour gérer ces limites et permettre dans le même temps d’accueillir en eux-mêmes de la biodiversité, du vivant.